Espace de libertés – Avril 2017

So, So, So, Solidarité avec les sans-papiers!


Libres ensemble
Les personnes sans papiers – autrement dit sans titre de séjour – seraient plus de 150.000 en Belgique aujourd’hui. Cette situation ne résulte pas d’un choix délibéré de leur part mais bien des politiques migratoires à l’œuvre, ultrarestrictives et productrices de poches de non-droit, propices à l’expulsion et à l’exploitation. Plusieurs collectifs de sans-papiers bruxellois et liégeois veulent faire entendre leur voix. Ensemble et avec différentes plateformes de soutien, ils demandent que leurs droits et leur dignité soient enfin respectés, ainsi que d’être reconnus comme citoyens à part entière, eux qui exercent une citoyenneté de fait au quotidien.

En juin 2014, le collectif Voix des sans-papiers (VSP) occupait un bâtiment à Molenbeek. Plus de 200 personnes, femmes, enfants et hommes, de toutes nationalités, s’étaient alors unies pour lutter contre la politique migratoire du gouvernement et demander la régularisation pour tous les sans-papiers. En août, à l’invitation des responsables de VSP, des représentants de SOS Migrants, une association de soutien aux sans-papiers constituée de citoyens avec et sans papiers, sont venus soutenir l’occupation et ont contracté avec VSP une alliance qui dure jusqu’à aujourd’hui. S’ensuivirent de nombreuses manifestations et actions publiques dont la manifestation du 14 octobre 2014, où, avec SOS Migrants, plus de 500 personnes s’étaient rendues devant le siège de l’Office des étrangers. SOS Migrants devait servir d’interface avec la Commune, et un projet d’opération propreté dans le quartier était programmé avec l’Échevinat. Las, il fut finalement annulé par le MR local. Deux ans plus tard, cette même Commune décidait d’expulser les occupants sous prétexte d’insalubrité et d’insécurité du bâtiment. Malgré une contre-expertise établissant pourtant que certains travaux accessibles et réalisables permettraient de mettre le bâtiment à niveau, la commune maintenait sa décision. En septembre 2016, une évacuation était mise sur pied par la Commune de Molenbeek et l’Office des étrangers, au cours de laquelle 14 personnes encore présentes étaient arrêtées et placées en centre fermé. Plusieurs d’entre elles, présentées par le secrétaire d’État à l’Immigration comme des « criminels dangereux » seront expulsées.

S’ensuivra une nouvelle occupation boulevard Reyers, à Schaerbeek. Elle allait durer deux mois, puis, après expulsion, une nouvelle occupation était initiée rue l’Olivier 40, toujours à Schaerbeek, avec le soutien de SOS Migrants et des réseaux d’habitants solidaires1. Le Foyer schaerbeekois, propriétaire du bâtiment, octroyait l’autorisation d’occuper les lieux jusqu’au 28 février, prolongée jusqu’au 15 mars 2017. Aujourd’hui (début mars 2017), avec le soutien des voisins, du comité de quartier, du MRAX, de SOS Migrants, VSP cherche activement une alternative. VSP et SOS Migrants continuent de lutter ensemble, pour le droit au logement, le droit aux soins de santé, le droit à l’éducation pour les enfants, la régularisation de tous les sans-papiers.

La caravane des migrants sans papiers, une nouvelle piste dans la lutte

Après plus de deux ans de lutte, les collectifs de sans-papiers et les associations regroupés dans la plate-forme de soutien aux sans-papiers font le constat de l’épuisement des mobilisations face à un gouvernement de droite qui mène une politique migratoire désastreuse et refuse tout dialogue. De ces réunions est née l’idée de la « caravane des migrants ». Des délégations de sans-papiers et de leurs soutiens sont reçues dans différentes villes et communes de Belgique. Dans l’impossibilité de remporter des victoires au niveau fédéral, la caravane a pour ambition de sensibiliser le grand public, les écoles et les associations aux réalités vécues par les migrants sans papiers en Belgique. Et de marquer des points sur le plan local comme, par exemple, l’engagement du bourgmestre de Liège de ne plus procéder à des contrôles d’identité au faciès. Des revendications sont développées dans ce cadre, notamment pour l’aide médicale urgente, du logement et de l’accueil dans les services communaux. Le projet continue avec pour objectifs la Flandre (dont Gand) et les communes bruxelloises.

Love is all you need (chanson connue). © Godong/BSIP

Les centres fermés, une honte institutionnelle

La Coordination contre les rafles, les expulsions et pour la régularisation (CRER) est née de la grande mobilisation de 2003 à Bruxelles. Après 2009, année de la campagne de régularisation, l’action du collectif s’est concentrée sur les centres fermés, une réalité carcérale plus inaccessible que celle des prisons et arme de criminalisation des sans-papiers par excellence. En juillet 2015, à la sortie du centre fermé 127bis, des femmes qui s’attardent avec l’espoir de pouvoir envoyer un dernier « au revoir » à leurs partenaires prisonniers commencent à discuter avec des militants de la CRER, qui ont visité des hommes et des femmes détenu.e.s. Face à leur souffrance et leur besoin de dénoncer, les militant.e.s découvrent l’ampleur du désastre organisé par l’État belge et le véritable parcours du combattant que ces couples doivent endurer. L’idée du réseau « Amoureux, vos papiers! » est née ainsi, réseau soutenu par la CRER et le MRAX. Outre le soutien à ces couples en difficulté, l’action collective pour dénoncer l’arbitraire, le détournement des lois et l’acharnement des autorités, Amoureuxvospapiers.com expose surtout les conseils pratiques pour préparer les couples à l’épreuve des enquêtes intrusives, des questionnaires inquisiteurs – les informer, par exemple de leurs droits face aux abus policiers trop nombreux. Depuis deux ans, une action de sensibilisation est organisée à l’occasion de la Saint-Valentin. Mais pendant ce temps-là, les centres fermés continuent à broyer des vies: pressions, isolement, expulsions. On y résiste: révoltes, grèves de la faim, évasions. On y meurt2.

En 2017, le collectif mène une campagne contre les arrestations arbitraires3 à l’aéroport de Zaventem. Le 6 mai prochain, comme chaque année depuis 2010, le manifestival Steenrock4 réunira des militant.e.s avec et sans papiers devant le 127bis pour demander la liberté de circulation et d’installation pour toutes et tous.

 


(1) « Squat », émission diffusée sur Radio Panik le 1er décembre 2016 (invités: SOS Migrants, VSP, Squats de Bruxelles).

(2) « Mort au cachot », mis en ligne sur www.gettingthevoiceout.org, le 2 mars 2017.

(3) François Corbiau, « Vol spécial, la machine à expulser », mis en ligne sur www.micmag.be le 19 décembre 2016.

(4) www.steenrock.wordpress.com