Espace de libertés – Avril 2017

C’est un sacré pavé que le MR a lancé dans la mare en recommandant, mi-mars, à la commission d’enquête parlementaire sur les attentats terroristes d’interdire les financements « venus de l’étranger » pour les cultes. Cette sortie musclée faisait suite à l’audition controversée du directeur du Centre islamique et culturel de Belgique, notamment quant à son financement qui provient de la Ligue islamique mondiale et, donc, de l’Arabie saoudite.

Ce n’était pourtant pas un scoop, il y a longtemps que ces liens sont établis. Il y a longtemps également que l’on sait que divers États, Maroc et Turquie en tête, entendent encadrer et contrôler « leurs » communautés respectives présentes en Belgique. Pour mémoire, en 2010, la Sûreté de l’État soulignait déjà l’ingérence de « puissances étrangères », mais aussi celle d’un « groupement turc radical », dans les structures de l’islam institutionnel de Belgique.

Or, les pouvoirs publics belges oscillent depuis toujours entre deux attitudes contradictoires: dans certains cas, le respect du principe de neutralité est brandi pour justifier l’inaction mais, dans d’autres cas, les mêmes se livrent sans vergogne à des immiscions directes, singulièrement dans l’organisation du culte musulman. Parfois, certains de nos responsables politiques ont été tentés de sous-traiter la structuration (et donc le financement et la surveillance) des musulmans de Belgique à des États étrangers; à d’autres moments, ils ont appuyé la consolidation d’un véritable islam belge. Parfois, ils se sont commis avec des milieux religieux douteux, parfois ils ont dégainé à tout va et flingué tout ce qui bougeait.

Pour le dire plus simplement: ils n’ont jamais vraiment su à quel saint se vouer dans ce grand méli-mélo cultuel et ça ne date pas d’hier. Au XIXe siècle déjà, les « libéraux » de l’époque – mais ce terme recouvrait une autre réalité qu’aujourd’hui – se méfiaient de l’activisme de Rome et notamment de l’argent que le Saint-Siège était supposé déverser à flots sur les catholiques de Belgique…

Ces vieilles peurs illustrent une question qui, elle, est toujours bien d’actualité: il est indispensable de clarifier le principe qui guide les relations entre les pouvoirs publics et les sphères convictionnelles, quelles qu’elles soient. Et ce principe porte un nom: c’est la laïcité de l’État. Ce principe protégera les croyants comme ceux qui ne le sont pas. Il n’a rien de « français » et ne date pas du XVIIIe siècle ni de 1905, il est universel et intemporel. Et, croyez-le, nous en reparlerons.