Depuis cette rentrée académique, la librairie Chapitre de Louvain-la-Neuve, accueille les cafés philo du CAL Brabant wallon. Un retour sur le campus brabançon, avec un fil rouge: susciter la pensée critique.
Fin de journée sur le campus citadin de Louvain-la-Neuve. Les derniers étudiants sortent des auditoires. Quelques familles, listes en main, choisissent le matériel qui sera blotti dans le cartable dès le lendemain matin. D’autres flânent dans les boutiques qui bordent la rue Charlemagne. Du côté de la librairie Chapitre règne d’ailleurs une certaine effervescence. Les Bescherelle côtoient les grands auteurs de la rentrée littéraire, avec le public ad hoc. Parmi l’amoncellement de bouquins, une dizaine de personnes s’est installée en cercle autour de petites tables de bistro, jonchées de titres portant sur le post-humanisme, l’homme et la science et autres thèmes du même acabit. Philippe, Françoise, Jean-Claude et d’autres citoyen.ne.s écoutent attentivement Brice Droumart, l’animateur philo de Laïcité Brabant wallon, planter le décor de ce nouveau rendez-vous mensuel. Des cafés philo qu’il anime désormais chaque premier jeudi du mois dans la librairie, avec l’espoir à peine dissimulé de toucher un public diversifié et de susciter le débat autour d’enjeux cruciaux qui traversent la société. « Il y a un côté symbolique à retourner sur le site de Louvain-la-Neuve où l’Opus Dei a pignon sur rue et où nous ne sommes pas forcément les bienvenus », avoue-t-il. « Dans cette collaboration avec la librairie, nous élaborons ensemble la liste des thèmes abordés, en relation avec l’actualité littéraire, mais j’impose la méthode qui est celle de la démarche critique. Je pense que nous vivons dans une époque de “carnaval d’opinions” où tout se vaut. Bien souvent, quand on touche à un problème qui nous est étranger, on ramène la question à ce que l’on connaît, pour l’évacuer. Alors que c’est dans la nuance que l’on peut construire la complexité et que c’est par celle-ci que l’individu s’enrichit et s’émancipe », explique l’animateur.
Quête de sens
Les cafés philo ont clairement le vent en poupe. De même que les essais philosophiques portant sur les débats d’idées. D’ailleurs, on retrouve même les auteurs-phares de cette décennie – les Comte-Sponville, Ferry ou encore Onfray – en version audio ou sur CD. Pourquoi cet attrait ? Les cafés philo attirent des citoyens désireux de coupler une sortie avec une dimension culturelle. Pour certains, notamment ceux présents lors de ce café philo de Louvain-la-Neuve, il s’agit avant tout d’un goût pour le débat d’idées. En toute convivialité. « Je suis venu pour échanger et provoquer une remise en question des réponses que je pense avoir sur le sujet; j’aime déconstruire et reconstruire les opinions, ainsi que la mise en perspective des réflexions intellectuelles. C’est une leçon d’humilité », explique Jean-Claude, un ancien cadre du secteur industriel, aujourd’hui retraité. « Je trouve intéressant d’écouter les points de vue de gens provenant de différents horizons. J’ai énormément appris. Mais je pense qu’ici, à LLN, nous sommes face à un public assez intellectuel. Cela m’intéresserait de connaître les opinions provenant d’autres milieux également », ajoute Françoise, une graphiste de la quarantaine. Si la philosophie est une discipline socioculturelle littéraire qui attire autant d’hommes que de femmes, Brice Droumart confirme que le mélange opère moins au niveau de la mixité culturelle et socio-économique.
Une question de savoir-être
« En gros, il y a différentes raisons qui expliquent l’attrait pour les cafés philo: il y a celui qui vient car il veut se réaproprier un débat de société et faire valoir sa parole; il y a celui qui sait: l’expert qui vient parce qu’il aime et connaît le sujet; et celui qui est intéressé par la démarche contrustiviste, pas par rapport au savoir, mais plutôt à la connaissance. Mais globalement, je pense que les gens en retirent d’abord de l’estime d’eux-mêmes, car leurs propos sont entendus et valorisés. Ils réapprennent aussi à voir le monde autrement. Ce n’est pas le savoir qui est intéressant, mais ce que l’on pense ». Le café philo, c’est aussi un savoir-être en société: apprendre à argumenter, à poser un concept ou un problème et rendre intelligible une pensée. Il s’agit finalement d’une école du vivre-ensemble qui pousse à la redistribution de la parole, et surtout, à la réappropriation du débat de société.