Espace de libertés – Octobre 2017

«  Rocket Man«  : s’il n’y avait qu’une expression à retenir de l’actualité des dernières semaines, ce serait celle-là. Deux mots prononcés par Donald Trump devant l’Assemblée générale de l’ONU le 19 septembre dernier, en référence à Kim Jong-un, le président de la Corée du Nord. L’image peut faire sourire, parfois malgré nous. Mais notre sang se glace ensuite lorsque ce sobriquet saugrenu s’accompagne de vélléités guerrières et que Trump ajoute sans ambages devant l’Assemblée médusée: «  Si nous devons nous défendre ou défendre nos alliés, nous n’aurons pas d’autre solution que de détruire complètement la Corée du Nord. » Serait-ce la fin d’un certain angélisme «  multilatéraliste »? Quel contraste avec le dernier discours de Barack Obama devant l’ONU, qui s’inquiétait alors du recul de la coopération internationale.

Et se pose une nouvelle fois cette question: comment en sommes-nous arrivés là? À accueillir un homme d’aussi peu d’humanisme, de diplomatie et de raison, jusque dans l’enceinte de cette prestigieuse et tout aussi controversée organisation?

En 42 minutes de speech ou de cinéma, chacun en fera sa propre lecture, Mister Trump nous plonge dans un climat de guerre froide, rangé au placard depuis quasi deux générations. Alors qu’entre-temps, un nombre croissant de citoyens, rejoint par des représentants de la société civile, mais aussi des professeurs d’université et des experts des thématiques sociétales, environnementales et économiques, aspirent à un nouveau monde. Des gens qui tissent, à travers la planète, un changement de paradigme démocratique, animé par davantage de collaboratif, de transparence et par la valorisation du Bien commun. Tout le contraire des relents belliqueux, individualistes et patriarcaux que l’on observe par ailleurs. L’impression de nous voir voler notre époque, celle du Yes, we can!, par un oligarque qui ne dit pas son nom et qui s’en remet aux vieilles recettes est bien là.

Max Weber disait qu’un leader charismatique émerge lorsqu’une « société civile est touchée de détresse psychique, physique, économique, éthique et religieuse  ». Car oui, pour un certain nombre d’électeurs américains, Donald Trump est apparu comme un leader charismatique, chevalier de l’anti-establishment. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, ces électeurs ont en commun, avec les nouveaux mouvements citoyens (NMC) qui font l’objet de notre dossier, cette volonté de mettre le système actuel sur la sellette.

En revanche, un fossé sépare ces deux groupes dans le rapport qu’ils entretiennent à l’autorité. Les Trumpistes sont en quête d’une forte tête. Les NMC d’une délibération horizontale, qui efface quelque peu le système de représentation pyramidale des pouvoirs qui structurent nos sociétés. Deux modèles antagonistes qui séduisent autant d’électeurs et d’électrices. Faut-il craindre le combat?