À 20 ans, Francisco Boix a connu le terrifiant destin d’être interné au camp nazi de Mauthausen. En 1946, ce communiste catalan réfugié en France sera cité comme témoin lors des procès de Nuremberg. Il y commentera des centaines de photographies prises dans ce camp géant installé non loin de Vienne et dans lequel avaient notamment péri des milliers d’Espagnols républicains livrés par Vichy. Si beaucoup de ces clichés ont été pris par les SS et ensuite escamotés par les prisonniers, d’autres sont dus à Boix lui-même qui, à la toute fin, s’était emparé d’un Leica du Erkennungsdienst (service d’identification) du camp pour saisir les détails accablants de son innommable réalité. Certaines ont été publiées dès la fin de la guerre par des journaux communistes français, mais la plupart sont restées inédites ou confinées dans des lieux spécialisés. Le livre qui vient de paraître grâce au remarquable travail d’édition des Territoires de la Mémoire est une biographie de Francisco Boix mais c’est surtout un document confondant. Les photos – paradoxalement très souvent d’excellente qualité technique – donnent évidemment à voir la réalité la plus écœurante. Pourtant, on y trouve très peu de ces images terribles de montagnes de cadavres décharnés qui ont révulsé l’humanité entière après la guerre. L’originalité est sans doute ailleurs. Peut-être dans les visages de ces hommes pris au piège et qui semblent toujours un peu étonnés d’être là, déjà presque absents. Mais qu’on se ne méprenne pas : certaines des photos restent cependant extrêmement choquantes. Comment aurait-il pu en être autrement ?
Des idées et des mots