Nous vivons actuellement la troisième révolution industrielle, appelée aussi révolution numérique. Ce bouleversement majeur à l’échelle de l’histoire de l’humanité modifie en profondeur les rapports des êtres humains entre eux et avec leur environnement. Le célèbre paléoanthropologue français, Pascal Picq, n’est évidemment pas le premier à l’affirmer mais dans son dernier livre, il développe une thèse qui pourrait sembler farfelue: serions-nous à la veille d’un scénario digne de « La Planète des singes »? Dans la nouvelle de Pierre Boulle, parue dès 1963 et déclinée ensuite au cinéma avec le succès que l’on sait, une humanité décadente et démissionnaire s’est laissée déborder par les grands singes. Ceux-ci ont pris le pouvoir et effacé jusqu’au souvenir de la prééminence des humains sur les animaux…
Quel rapport avec notre situation actuelle? C’est que, dit Pascal Picq, nous serions peut-être bien en train de faire la même chose avec les robots. Les progrès de l’intelligence artificielle sont en effet tels qu’il est envisageable – et même probable – que les robots prendront à brève échéance une place prépondérante dans la marche du monde. Ils sont déjà très actifs dans l’industrie et la finance mais bientôt ils accompliront quotidiennement des tâches décisionnelles jusqu’ici réservées aux êtres humains. Recherche, classement et traitement des données massives, modélisation, collaboration, élaboration de propositions, etc… Les robots conduiront nos voitures et piloteront nos avions de façon plus responsable que nous, ils aideront les personnes âgées avec une exquise urbanité, ils géreront nos avoirs avec plus de discernement et apprendront par eux-mêmes ce que nous n’avons plus l’envie, la force (ou la capacité?) de savoir. Avec le découplage grandissant entre salariat et statut social (allocation universelle, revenus de remplacement, « mini-jobs », »contrats zéro heure », Uberisation progressive des rapports professionnels, …), avec la désagrégation du modèle hérité de la première révolution industrielle (production et distribution des richesses, démocratie, libertés civiles, éducation, …), le risque sera alors énorme d’être totalement dépendants des robots et de se réveiller cernés par un nouveau modèle de pouvoir politique qui pourra s’appuyer sur la compétence et la loyauté sans faille des robots.
Pour Pascal Picq, l’Homme sera alors dans une situation comparable à celle des animaux qu’il a presque éradiqués, comme les grands singes dont la disparition totale est annoncée, alors qu’ils sont nos cousins les plus proches génétiquement… Scénario de science-fiction? À voir. Pascal Picq ne se veut pas prophète de malheur mais son avertissement claque comme un roulement de tambour: « [C’est] une situation inédite depuis l’époque des Lumières […] tout change, mais sans vision de progrès, sans grande construction idéologique capable de s’opposer au retour des fondamentalismes de toutes obédiences. Où sont passées nos utopies?«